Pour ceux qui n’ont jamais tenu un Sans-Culotte dans leur main (qu’ils en soient ici pardonnés), ils manquent chaque fois notre Der consacrée à un son du mois : un artiste ou un groupe vendéen émergent, connu ou qui gagne à l’être... Puisque c’est encore le temps des étrennes, voici donc la parution intégrale de ses portraits. Et pour ceux qui seraient dans le coin samedi prochain, tous ces artistes-amis seront sur scène pour fêter dignement nos un an ! Troisième artiste, Michel Boudaud, agriculteur-chanteur.
C’est ce qu’on appelle un agriculteur-chanteur. Le soir venu, Michel Boudaud retire sa cotte de travail pour enfiler ses habits de scène. Une deuxième peau pour cet homme amoureux des mots. A travers champs, il nous livre peut-être sa plus belle récolte. Seize tranches de vie et d’espoir intitulées « À travers chants ».
C’est l’histoire d’un petit garçon timide, introverti, qui se réfugie dans les textes. Ceux des autres d’abord, Brel, Brassens, Ferrat, Ferré, puis les siens. « Un jour, je tombe sur les textes de Gaston Couté, poète beauceron des années 1880-1890, se souvient Michel. J’ai immédiatement été séduit par l’approche sensible et humaniste de cet anarchiste antimilitariste. » Cette rencontre fait tilt ! Et changera à jamais l’existence du jeune garçon. « Dans notre coin des marches de Bretagne, il n’y avait pas de culture, à part celle qui consistait à reprendre à l’accordéon des chansons comme Riquita », poursuit le quinqua avec une moue de gamin.
Un gamin qui entend pour la première fois jouer du traditionnel à l’âge de trente ans. « J’ai eu comme une douleur dans le ventre. » De celle qui vous prend aux tripes. Cette révélation « qu’on est qu’un petit maillon de la chaîne, qu’on doit faire les choses comme on peut sans jamais se cacher, sans jamais en avoir honte. » Cette prise de conscience, Michel Boudaud l’assume donc. La revendique même. Il est ce qu’on appelle un agriculteur-chanteur. « Mais je tiens à préciser, poursuit-il de sa voix douce, que je ne chante pas par compensation de mon métier agricole. C’est un prolongement. » Aux champs comme aux chants, Michel Boudaud essaye donc de respecter de son mieux la nature et l’Homme, « dans leur équilibre », de manière la plus poétique possible.
« L’alchimie de la parole et de la musique est une réelle magie »
Comme l’ont fait en leur temps Jacques Bertin ou Julos Beaucarne, « deux artistes majeurs » dans le panthéon de Michel. Deux grands frères rencontrés en Provence, dans les années 80, lors de stages d’écriture et de chansons. « Ces deux hommes vont me conforter dans l’idée que la chanson peut être poétique et réaliste, que cette alchimie de la parole et de la musique est une réelle magie capable d’accompagner l’homme de son premier à son dernier souffle. » Rien à voir ou presque avec ce qu’on appelle communément la nouvelle scène française. « Aujourd’hui, on n’est plus dans la mélodie, mais dans la rythmique, dénonce Michel. J’ai l’impression que leurs « boum boum boum » me disent : « Tu vas te rentrer ça dans le crâne. » Le rythme s’adresse plus au corps, la mélodie au cœur. Ce qui m’énerve en fait dans la chanson actuelle, c’est que pour sortir ce qu’ils sortent, ces artistes ne doivent pas bosser beaucoup. » Michel, lui, veut aller à l’essentiel de l’Homme. « J’aime bien faire des chansons qui soient chantables. » Pour cela, il décide de créer un spectacle qui tienne la route.
Nous sommes en 2002 et la sienne de route croise celles de Richard Roy et d’Alain Jadelot. Deux guitaristes qui vont coucher leurs accords sur ses textes. Sur scène, le trio rencontre du beau monde et fait les premières parties de Gérard Pierron, de Yannick Jaulin, de Gérard Potier ou encore de Jeanne Cherhal. Michel ne cesse de partager ses « histoires » avec le public de la Maison de la vie rurale, à La Flocellière, ou celui du festival « Chantez guinguettes ». « A ce moment-là, on s’est dit qu’il fallait enregistrer tout cela. » Direction donc le studio de Saint-Hilaire-de-Clisson.
« A travers chants » sort en novembre 2005. Pressés à 3 000 exemplaires. Seize titres juste un peu plus lourds que l’air… du temps. « La mode est un concept démodé », vous glisse rieur celui qui sera un jeune retraité l’année prochaine. L’occasion de se lancer dans une autre « carrière » ? « J’ai 56 ans et si je veux percer un peu, c’est le moment de s’y mettre sérieusement. » Sans jamais se prendre trop au sérieux. « La période actuelle est intéressante. Elle est tellement pourrie que les gens recherchent de l’authenticité, de la rencontre. » Comme Michel Boudaud, continuellement en quête de sens et de reconnaissance…